ASPECTS
DE LA LIBERTÉ (2) |
Texte
de Whitehead
Mon
commentaire
«...
On ne saurait comprendre l'histoire de l'Europe sans se référer
aux doctrines augustiniennes du péché originel, de la
grâce divine, et de la mission qui en résulte pour l'Eglise
catholique...»
Cette
petite phrase d'introduction à la section II du chapitre sur
la liberté nous arrache au schéma sociologique
Ce ne sont pas que les mouvements politiques et sociaux qui déterminent
les changements.
Whitehead fait ici référence aux doctrines de Saint Augustin
sur le libre-arbitre, la grâce divine etc.
Il rappelle ensuite l'histoire des doctrines qui habitent les hommes.
Mais
...
«...
Les hommes sont conduits par leurs pensées aussi bien que par
les molécules de leur corps... L'homme est un animal à
la tête des primates ; il ne peut échapper aux dispositions
d'esprit qui sont inhérentes à celles du corps.»
En d'autres
termes : attention aux réductions sociales et purement doctrinales
des enjeux autour de la liberté et du déterminisme...
Car ! Et voilà le philosophe anglais dans son élément.
L'explication suivante est importante pour comprendre l'ensemble de
la méthode de Whitehead
«Notre
conscience n'a pas l'initiative de nos modes de fonctionnement. Nous
nous savons engagés dans un procès ("process"),
plongés dans des satisfactions et insatisfactions, et occupés
à modifier activement ce procès, soit par intensification,
soit par atténuation, ou par l'introduction d'intentions nouvelles.»
Voici
le mot "process" qui est au coeur
de ce que l'on peut appeler la "métaphysique" whiteheadienne.
«J'appellerai
instinct cette manière fondamentale d'agir, que la conscience
présuppose. C'est la forme d'expérience que suscite immédiatement
le poids de l'héritage sur l'individu et son milieu. Et une fois
que l'instinct et le ferment intellectuel ont fait leur travail, une
décision intervient qui détermine le mode de coalescence
de l'instinct et de l'intelligence. J'appellerai ce facteur la sagesse.
La fonction de la sagesse est de modifier le ferment intellectuel de
manière à produire, à partir des conditions données,
un résultat autonome. Nous avons donc besoin, pour comprendre
les institutions sociales, de cette division tripartite et rudimentaire
de la nature humaine : instinct, intelligence, sagesse.»
Faut-il
commenter ? Whitehead est un homme de la sagesse.
Il ne cherche pas à démontrer qu'il existerait une sorte
de libre-arbitre absolu,
déterminant tout notre être et toute notre histoire...
qui s'opposerait à un déterminisme arbitraire imposé
par une autre volonté.
Non.
En fait, l'auto-détermination (ou la liberté de se déterminer)
est un produit
relatif au tout de ce qui nous constitue
(Le nous de Whitehead signifiant les individus, mais aussi les comportements
d'ensemble)
«L'autonome
de la pensée est donc étroitement limitée. Elle
est souvent négligeable, et se situe généralement
au-delà du seuil de la conscience. Les manières de penser
d'une nation sont aussi instinctives, c'est-à-dire sujettes à
la routine, que ses réactions émotionnelles. Cependant
la plupart d'entre nous croient à une spontanéité
de la pensée au-delà de la routine. Sinon la revendication
morale de la liberté de pensée n'aurait pas de sens. Cette
spontanéité de la pensée est à son tour,
si elle veut se maintenir et être efficace, soumise à l'autorité
du jugement exercé par le tout, qui atténue et renforce
les éclairs partiels d'autodétermination. Cette détermination
finale est sa sagesse, ou en d'autres termes le but subjectif qui préside
à sa propre constitution, dans les limites qu'imposent les facteurs
hérités.»
Peut-on
séparer la pensée de l'instinct ? Non.
Et ceux qui croient à la spontanéité de la pensée
se trompent.
En fait, c'est la sagesse qui est le vrai facteur d'auto-détermination,
c'est-à-dire le jugement final à partir d'une perception
globale.
Dans la pensée de Whitehead, la "constitution"
(qui n'est pas celle de Husserl ou des phénoménologues)
est l'émergence, au sein d'un procès, d'une entité
autonome... et nouvelle.
Ceux
qui craignent pour la revendication de la liberté individuelle
ne doivent pas s'offusquer.
Il ne s'agit nullement de contester la liberté, mais d'affirmer
qu'elle n'est rien
sans l'éclairage du jugement et la conscience de ses instincts..
- La sagesse, l'intelligence et l'instinct - 
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