ASPECTS
DE LA LIBERTÉ (1) |
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L'ouvrage de Whitehead "Aventures d'idées" est une
bonne introduction à la réflexion philosophique. Si
le philosophe est essentiellement l'homme qui cherche la sagesse à
travers la connaissance, la conscience de soi et la liberté
de l'esprit, il était naturel que Whitehead consacre de longues
pages à la liberté.
Le
philosophe anglais utilise pour cela sa propre méthode du "process"
: il ne définit pas la liberté, il la regarde prendre
forme avec l'histoire et les interactions humaines. Il situe la réflexion
sur la "liberté" dans la section "sociologique"
où l'on retrouve également une méditation sur
l'âme humaine, l'idéal humanitaire, sur la force et la
persuasion, et enfin sur la prévision. Mais rien n'interdit,
bien sûr, de prolonger cette réflexion vers l'ontologie...
Texte
de Whitehead
Mon
commentaire
«L'une
des notions philosophiques les plus générales auxquelles
il faut avoir recours si l'on veut analyser les activités des
hommes civilisés est celle de l'effet exercé sur la
vie sociale par les oscillations entre l'Individu-absolu et l'Individu-relié.
Par "absolu", j'entends ici une absence de dépendance
essentielle à l'égard des autres membres de la communauté,
en ce qui concerne les modes d'activité ; tandis que "relié"
signifie l'inverse, c'est-à-dire une dépendance essentielle.
Sous une forme moins générale, ces idées apparaisent
dans l'antagonisme entre les notions de liberté et d'organisation
sociale...»
Ce n'est
pas bien compliqué
On remarquera toutefois que Whitehead n'oppose pas ici "liberté"
et "déterminisme",
mais il met en antagonisme "liberté" et "organisation
sociale"
Derrière le mot "organisation", il faut toujours
voir chez Whitehead une dimension vivante...
«...
Quelle est la raison de l'importance accordée à l'absolu
de l'individu et à sa relativité ? Apparemment la répartition
est arbitraire, bien qu'elle ait toujours une raison historique. Le
changement d'accentuation est souvent dû à la tendance
générale que nous avons à nous révolter
contre le passé immédiat -à remplacer tout ce
qui était noir par du blanc et vice versa.»
Remarque
amusante de la part d'un anglais...:
On se révolte contre la génération précédente.
On aurait plutôt entendu cela du côté des "frenchies"
!
On aime bien faire la révolution, alors que les anglais aiment
mieux les évolutions !
Encore une idée préconçue qui tombe.
Cela dit, la remarque de Whitehead prend aujourd'hui une envergure
mondiale...
Ainsi le retour à la morale, aux valeurs religieuses et à
l'influence des valeurs sociales
répond aux années 60, aux mouvements d'émancipation,
aux hippies et aux soixante-huitards..
Mais n'en restons pas là !
«La
transformation peut aussi consister en un jugement porté sur
des dogmes auxquels nous imputons tous les échecs dont nous
avons hérité..»
Whitehead
généralise par rapport à la simple réaction
vis à vis de la génération précédente.
Il s'agit là plutôt d'une réaction contre les
dogmes, les présupposés qui ont démontré
leur échec
... Mais continuons : Whitehead s'amuse à un petit couplet
marxiste !
«Plus
souvent, les changements qui se produisent, au sein de la société,
dans la répartition intellectuelle de la relativité
et de l'absolu des individus, viennent de ce que le pouvoir a passé
d'une classe à une autre, ou d'un groupe de classes à
un autre. Par exemple, un gouvernement oligarchique, aristocratique,
et un gouvernement démocratique peuvent, chacun à leur
manière, tendre à mettre l'accent sur l'organisation
sociale, c'est-à-dire sur la relativité des individus
à l'égard de l'Etat. Mais le gouvernement qui favorise
surtout les commerçants et les professions libérales
-qu'il se dise aristocratique, démocratique ou dictatorial-
met l'accent sur la liberté personnelle, c'est-à-dire
sur l'absolu de l'individu..» (Aventures
d'idées p.91-93)
On remarquera
que Whitehead ne s'engage pas personnellement pour une classe ou l'autre
Il observe, en bon mathématicien ou bon scientifique, ce qui
se passe.
Il cite ensuite comme exemple, la Rome impériale, ou les évolutions
de l'Angleterre aux XVIIIème et XIXème siècles,
celle des hommes d'Etat français.
La comparaison entre la France et l'Angleterre est instructive :
Whitehead explique qu'en France, le politique était malheureusement
plus détaché que l'Angleterre des intérêts
majeurs du pays...
Je me demande si cela a beaucoup changé !
La
liberté ? Il y a aussi d'autres aspects, notamment des aspects
plus "intellectuels"

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