Le fait d'avoir décidé d'écrire un blog avec un esprit positif ne
signifie pas être béatement optimiste (1). Je fais le choix de l'être avant le non être. Mais aussi le choix et la priorité de l'être sur le devoir-être qui
nous entraînerait trop précipitamment vers l'idéologie, l'utopie ou le moralisme. Je dois cela à la fois à mon éducation, ma formation et ma pratique scientifique,
et à la découverte de la phénoménologie il y a cinq ans, que j'approfondis petit à petit avec l'aide de Maurice Merleau-Ponty. Je voudrais évoquer, à titre de
gravité qui équilibre les articles plus détendus, la belle figure d'Hannah Arendt... et je dédie cet article à mon beau-frère
Christophe, pilier du courant écolo belge (et qui m'a confié qu'Arendt a été la référence qui l'a guidé)
La phénoménologie essaie de coller au concret et aux faits avant toute médiation hâtive du jugement et de l'abstraction. Je relis actuellement, sous l'angle phénoménologique, ligne à ligne, le dernier tome de la somme magistrale d'Hannah Arendt, "Les origines du totalitarisme". Ce tome, "Le système totalitaire", écrit en 1950-1951, et révisé à plusieurs reprises -je lis la dernière version de 1968-, me donne le vertige à chaque page (2). Prise dans la mouvance de la Shoah, Hannah Arendt est capable de rédiger, avec une froideur et une efficacité sans égal à l'époque, une analyse systématique des deux grands totalitarismes du XXème siècle, celui des nazis et celui des communistes soviétiques. Je devrais plutôt dire celui de Hitler et celui de Staline, tant l'identification des régimes avec leur tyran est totale. Lire ces pages est une nécessité qui rappelle, dans notre époque à la fois hédoniste, aveugle et anxieuse, toute enveloppée d'images (et beaucoup moins d'écoute), que nous ne sommes pas à l'abri de telles abominations, même si l'Europe qui se constitue est un rempart beaucoup plus sûr. Hannah Arendt ne traite pas la Chine de Mao, préférant, dit-elle, laisser l'analyse aux historiens et philosophes du futur quand ils disposeront d'une documentation suffisante.
Hannah Arendt traite également de l'autre totalitarisme, sans complaisance, celui de la Russie soviétique, celui de Staline. Doit-on rappeler l'aveuglement de tant d'intellectuels, notamment en France, sur cette autre monstruosité (4) ? Une alliance entre la mort, le mensonge et la terreur. Une terreur qui augmente au lieu de diminuer quand l'opposition disparaît. Je dois avouer que moi-même, dans les années 70 et 80, j'essayais non de défendre, mais d'excuser le régime communiste en refusant toute analogie avec les nazis, sous prétexte que le communisme s'appuyait sur une philosophie humaniste. J'ai été vacciné de cette illusion par la lecture de Tzvetan Todorov "Mémoire du mal, tentation du bien" (autre ouvrage indispensable à lire), puis d'autres ouvrages de divers horizons. Et la relecture d'Hannah Arendt renforce le vaccin. Les totalitarismes se moquent complètement des éventuels fondements humanistes (Hitler aussi a gardé la Constitution démocratique de Weimar).
Que ce soit une femme qui
écrive un tel réquisitoire est loin d'être innocent, même si elle n'est pas la seule (elle fut pratiquement la première). Comme me disait un ami récemment, tout cela
est une affaire de mâles et de machos, fiers de leurs bottes, de leurs défilés de chars et d'uniformes, de leurs armes pointues qui éjaculent de la mort. À Heidegger qui affirmait que «
l'homme est né pour la mort », Hannah Arendt a répondu : « non, l'homme est né pour la vie ». D'après Wikipedia, sur la dépouille d'Hannah Arendt, Hans Jonas qui fut son ami intime aurait
dit, après la prière juive, : « Avec ta mort tu as laissé le monde un peu plus glacé qu'il n'était. » J'espère que non !
PS. Arendt n'a jamais voulu qu'on la nomme philosophe. Toujours sur Wikipédia, j'ai lu cette phrase pas si innocente que j'essaie de méditer à mon tour : « la majeure partie de la philosophie politique depuis Platon s'interpréterait aisément comme une série d'essais en vue de découvrir les fondements théoriques et les moyens pratiques d'une évasion définitive de la politique. » (Condition de l'homme moderne, Calmann-Lévy p.285). Ce point de vue peut se discuter. À mon avis, elle est du même calibre que les plus grands philosophes.
(1) Être positif signifie d'une part que je pose les faits devant moi, avant de passer à une réflexion de type négatif (au sens dialectique), critique, apophatique ou symbolique.
(2) Quelques historiens ont critiqué par la suite quelques-unes des thèses, non
suffisamment documentées, de l'auteur, mais l'ouvrage reste une référence mondiale. Mais je soupçonne certains d'entre eux de ne pas être suffisamment guéri de l'influence néfaste de ces grands
totalitarismes.
(3) On pense à Primo Levi, par exemple.
(4) Edgar Morin évoque souvent les dérives et slaloms d'un certain nombre d'intellectuels français. J'en reparlerai à l'occasion.
Hannah Arendt
J'aperçois un panneau : Col du Fret, 120 lacets !
Ah ! Ah ! Cherchez bien !!!
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- D'autres me tournent autour : l'un essaie de fouiller mon sac... Mais non, il n'y a pas de fleurs ici : elles sont protégées par les responsables du Parc Régional de Chartreuse.
Sagesse signifie équilibre entre extrêmes : en l'occurrence, contre l'extrême de l'ascétisme et contre l'extrême de
l'hédonisme. Il s'agit de dépasser l'influence des passions, notamment les trois poisons : la haine, l'ignorance et l'avidité. Le croyant bouddhiste est appelé à se
décentrer (un concept essentiel de ma propre réflexion) à travers divers axes de confiance que je ne développe pas
ici -les intervenants bouddhistes ont insisté sur le fait que le Bouddhisme est une foi et une religion, et non une
philosophie comme on veut le faire croire en Occident.
Tentatives de rationalisation, pour le meilleur et pour le
pire, confrontation avec l'énigme et l'absurdité du mal (choc autour du Tremblement de Terre de Lisbonne en 1755, du Tsunami récent, et autour d'Auschwitz),
procès contre Dieu (songer au Livre de Job dans la Bible -peinture ci-contre : Georges de la Tour : "Job et sa femme"- ou dans
la philosophie moderne, de Kierkegaard à Camus)... mais aussi foi en un Dieu qui a expérimenté la souffrance et la mort de l'intérieur (Le
Christ) et appel à la responsabilité, l'engagement personnel et la relation interpersonnelle, justice et amour notamment, pour combattre le mal sous toutes ses formes : individuelles et sociales.
Il y a une semaine, avec des proches, je suis monté à l'Aiguille du Midi. En téléphérique... avec un brin
de mélancolie. Sur le chemin du retour, nous avons décidé de continuer la descente à pied depuis la gare intermédiaire du "Plan de l'Aiguille" (2300 m) vers Chamonix. J'ai décidé de fausser compagnie à mes compagnons et je me suis enfilé sur un chemin parallèle au leur, plein sud. Trois heures de pente
dans les rochers, les alpages, puis dans les bois.
- Le second mouvement s'appelle : "ce que racontent les fleurs des champs". Nous voici dans les espaces où le vent caresse les prés, tandis que se balancent les fleurs et les buissons.
- Puis voici "ce que racontent les animaux de la forêt".
Les récits de la Symphonie s'accomplissent en une contemplation, un regard vers une voûte qui
culmine dans la lumière. Le musicien allemand, tel un démiurge qui se joue des formes, reprend quelques coloris du premier mouvement, celui des rochers inanimés. Mais il les a transformés
en une mélodie qui enveloppe l'ensemble des cordes, et se conjugue ici et là avec l'une ou l'autre. La continuité harmonique recouvre les silences et cassures des rochers. Mahler raconte l'amour
qui croît, culmine et pacifie. Non l'amour comme sentiment (qui est second et parfois mensonger), mais comme énergie vitale et synthèse.
- Gustav Mahler dernier représentant du "mensonge romantique" (**) ? Ou lointain visionnaire d'un monde achevé, par delà la douleur et les battements des coeurs ? Sa musique a révolutionné celle de son temps et inspiré nombre de créateurs, musiciens, cinéastes, romanciers... Je laisse la question ouverte.
Le Mont Blanc est une montagne étonnante : il domine, massif et débonnaire, les élans d'aiguilles et de pics bien plus petits que lui. L'éternité de ses neiges, réverbération du dernier récit symphonique, la métaphore de l'amour créateur, semble se moquer des parois abruptes et des agitations statiques de ses compagnons.
- Pour faire partager mon bonheur, vous pouvez écouter le cinquième mouvement, celui du choeur d'enfants et des carillons, en cliquant sur cette page
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(*) Poème de Nietzsche O Mensch! Gib acht ! Was spricht, die tiefe Mitternacht ? Ich schlief, ich schlief, Aus tiefem Traum bin ich erwacht : Die Welt ist tief, |
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Voici quelques branches couvertes de groseilles,
avant que je ne les cueille pour des confitures...
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Même les araignées les adorent !
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